SOURCE : CA PARIS, 25e ch. A., 29 février 2008, n°06/03934

 

L’article L. 442-6, I-5° du Code de commerce sanctionne la rupture brutale de relations commerciales établies, prévoyant en effet :

 

« I. – Engage la responsabilité de son auteur et l\’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

 

(…)

 

De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n\’était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l\’économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d\’inexécution par l\’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d\’une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l\’application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d\’au moins un an dans les autres cas (…) ».

 

La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser, par un arrêt remarqué du 6 février 2007[1], que la responsabilité ainsi encourue était de nature délictuelle.

 

Par diverses autres décisions, les contours de cette question ont été affinés.

 

Ainsi, et notamment, il a été jugé que :

 

          l’objet de la relation d’affaires est sans importance[2] ;

 

          des relations commerciales établies peuvent résulter d’une succession de contrats à durée déterminée[3] ;

 

          les relations commerciales peuvent être précontractuelles, contractuelles, postcontractuelles, et même simplement informelles[4] ;

 

          la rupture partielle peut résulter d’un changement d’organisation dans le mode de distribution d’un fournisseur[5], d’une réduction significative du courant d’affaires[6], ou même encore d’une modification des conditions tarifaires[7] ;

 

          le défaut de commande peut parfaitement constituer une rupture abusive des relations commerciales[8].

 

La Cour d’appel de PARIS, par un arrêt rendu le 29 février 2008, a récemment jugé que les dispositions précitées de l’article L. 442-6, I-5° s’appliquent également aux relations entretenues avec une société de presse pour des demandes d’insertion d’annonces publicitaires.

 

Un établissement privé d’enseignement général hors contrat publiait régulièrement des annonces publicitaires dans une revue destinée aux parents d’élèves de l’enseignement privé.

 

La société d’édition avait soudainement refusé la publication de ces annonces dans le numéro d’été, pour des motifs il est vrai fluctuants[9], puis aucune autre annonce n’était parue dans les numéros suivants de la revue.

 

La Cour précise, dans cette décision, que la loi du 29 juillet 1881, qui pose notamment le principe de la liberté de la presse et celui de la responsabilité pénale du directeur de la publication, ne fait pas obstacle à l’application des dispositions du Code de commerce relatives à la rupture brutale de relations commerciales établies.

 

En d’autres termes, le pouvoir du directeur d’une publication, qu’il tient de la loi précitée de 1881, de refuser l’insertion d’annonces publicitaires, même sans motif, se trouve nettement diminué par le nécessaire respect d’un délai de préavis qu’impose la réglementation protectrice des relations commerciales établies.

 

 

Philippe DEFAUX

Avocat

 

[1] Cass. com., 6 février 2007, n° 04-13.178, publié au bulletin.

[2] Cass. com., 23 avril 2003, n° 01-11664 : Bull. civ., IV, n°57.

[3] CA Lyon, 3ème ch., 10 avril 2003, Sté PN Gerolymatos SA c/ Sté Aventis Pasteur MSD SNC : JCP E 2004, n° 7, p. 254 ; CA Paris, 25ème ch. A, 11 juillet 2005.

[4] CA Paris, 1er décembre 2004 : Lettre distrib., juin 2005.

[5] Cass. com., 17 mars 2004, n° 02-14751, inédit.

[6] CA Paris, 25e ch., sect. B, 28 oct. 2005, SA Constantin c/ SA Galeries Lafayette : Juris-Data n° 2005-284109.

[7] CA Nïmes, 2e ch., sect. B., 15 sept. 2005, SARL d’exploitation chouett bureau c/ SA Spicer France : Juris-Data n° 2005-295034.

[8] Cass. Com., 23 janvier 2007, n° 04-16779 et 04-17951, publié au bulletin.

[9] En tout état de cause, on rappellera que ce n’est pas la cause de la rupture qui est ainsi sanctionnée par les dispositions précitées, mais bien son caractère brutal.

 

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